2012, fin de partie pour le diesel ?
Le Figaro
Posté le: 02 février 2012
Nouvelle taxe européenne, coût de dépollution, fiabilité des motorisations... Plusieurs menaces pèsent sur le carburant préféré de l'automobiliste français.
Diesel ou essence? À l'heure où faire le plein n'a jamais été aussi coûteux, quelle énergie faut-il choisir pour rouler dans les meilleures conditions économiques? Le diesel, avec 71,8 % de part de marché pour les neuf premiers mois de 2011 (1,19 million d'immatriculations), l'emporte toujours, mais sa suprématie est remise en question. Plusieurs menaces pèsent en effet sur le carburant préféré des Français.
NOUVELLE TAXE EUROPÉENNE
Au nom de l'harmonie fiscale contre le réchauffement climatique, Bruxelles a sous le coude un projet de taxe carbone préconisant un taux minimal unique sur les carburants au sein de l'Union, ce qui aurait mécaniquement pour conséquence de renchérir le prix du gazole pour les pays lui appliquant de faibles droits d'accises, ce qui est le cas de la France. «Il s'agit aussi de réduire la dépendance créée par les importations de gazole», précise le Lituanien Algirdas Semeta, commissaire européen à la Fiscalité.
UN RISQUE DE PÉNURIE
Comme on ne peut extraire qu'environ 20 % de gazole d'un baril de pétrole alors que le taux global de diésélisation du parc français est de près de 60 %, nous devons importer une bonne partie de ce carburant. Problème: la forte croissance du trafic de camionnage de la Russie pourrait un jour obliger Moscou à réserver le gazole national en priorité à son marché intérieur. Ce qui pèserait inévitablement à la hausse sur les cours.
POLLUTION
Les micropoussières produites par le diesel sont une catastrophe écologique pour les villes. Paris n'est pas épargné. Alors qu'une norme européenne autorise localement un dépassement de 50 millionièmes de gramme par m³ de particules en suspension dans l'air pendant 35 jours par an, une étude d'Airparif a Récemment relevé un franchissement de ce seuil durant 155 jours en 2010 le long du périphérique de la capitale. Le diesel serait à l'origine de 90 % des micro-éléments toxiques.
PLUS PROPRE MAIS PLUS CHER
Ce désastre a enfin conduit le législateur à doter obligatoirement le véhicule diesel d'un filtre à particules. Mais une nouvelle menace se profile à l'horizon 2014. Elle a pour nom Euro 6. Cette norme oblige cette fois le moteur à huile lourde à réduire drastiquement ses émissions d'oxydes d'azote (NOx), un poison pour les bronches. Concrètement, une véritable petite usine de dépollution va devoir investir chaque véhicule diesel. Son coût (entre 1 000 à 2000 euros) la réservera aux modèles supérieurs. Des constructeurs comme Nissan, pour sa Micra, ou Volkswagen, pour sa nouvelle Up!, ont déjà exclu les motorisations diesel de sous le capot de leurs petites voitures. Le gazole, bientôt un carburant pour les riches?
ENTRETIEN ET FIABILITÉ
Où sont les diesels d'antan? Une endurance de moteur de camion, telle était hier encore sa réputation. Elle est aujourd'hui fortement écornée. Car à une utilisation professionnelle, à régime constant et sur autoroute, son domaine de prédilection, a succédé pour le diesel un usage grand public, intermittent et souvent urbain. Pour le rendre plus agréable à l'automobiliste moyen, ce moteur, réservé à l'origine aux professionnels de la route, a été énormément complexifié.
Conséquence, plusieurs de ses organes très perfectionnés subissent des pannes chroniques. Les plus touchés sont la vanne EGR (récupération des gaz d'échappement afin de réduire les émissions de NOx) et le filtre à particules, s'encrassant tous deux, ainsi que le volant d'équilibrage bimasse, victime de rupture. Son entretien est devenu plus pointu, et donc plus coûteux, que celui d'un moteur à essence. Enfin, le diesel ne peut plus se contenter d'un carburant «rustique» parfois souillé par un peu d'eau. Les rampes d'injection à très haute pression, indispensables pour obtenir des performances comparables à celle des motorisations à essence, y sont totalement réfractaires.
Le moteur Diesel ne disparaîtra pas cependant du jour au lendemain. À l'exception de la Grèce, il fait figure de spécialité européenne ; Il reste marginal aux États-Unis et inconnu en Chine pour le particulier. Les constructeurs, à commencer par PSA (Peugeot-Citroën), le soutiennent toujours, tout comme les concessionnaires, arguant une meilleure valeur de revente des véhicules à huile lourde. Que vaut aujourd'hui cet argument face à un marché fonctionnant à coups de promotions où les tarifs des voitures à essence neuves sont ceux… des diesels de seconde main?
Plus que jamais, il faut sortir sa calculette, car tout dépend, encore une fois, de l'usage de son véhicule. Le diesel se justifie pour le professionnel empruntant en priorité le réseau autoroutier. Mais certainement pas pour un automobiliste ne parcourant que 10.000 km par an. Une voiture récente équipée d'un moteur à essence de dernière génération s'avèrera alors un meilleur choix.
Par Philippe Doucet