Gagnoa. Au sortir de la ville sur l’axe menant à Soubré, une femme traine un chargement de vivriers, d’une main. De l’autre, elle tient un baluchon sur la tête. Elle voulait joindre une localité située peu avant Yabayo, à environ 70km. Mais elle avait déjà parcouru près de 2 kilomètres à pied.
Désireux de lui faire une rallonge, nous avons cherché à comprendre pourquoi elle refusait d’embarquer dans les minibus qui se succèdent dans le même sens que son trajet.
« Je vais au corridor de police. C’est seulement à cet endroit que les véhicules chargent. Entre la gare et le corridor, ils n’en ont pas le droit », explique-t-elle, désormais assise à nos côtés. Un règlement, apprend-on, imposé par les « syndicats », ces chargeurs qui tirent leurs revenus d’une quote-part sur les recettes des transporteurs. Le phénomène très connu à Abidjan est très systématique sur ce tronçon dans centre-ouest de la Côte d’Ivoire, voire mieux organisé. Ce qui présage de l’ampleur du travail à abattre pour vaincre cette gangrène tant décriée par les professionnels du transport routier et autorités de tutelle
Des patrouilles mobiles de « syndicats »
« Depuis la gare, ils ont des guetteurs qui suivent les mouvements des véhicules sur l’axe. Lorsqu’un car embarque un voyageur au passage, il est aussitôt signalé aux autres syndicats postés au corridor. Dès son arrivé, il est alors accueilli par une amende qu’il doit payer avant de reprendre la route.
Les usagers qui devaient être les premiers bénéficiaires du système de transport s’en trouvent lésés. Car au point de chargement situé au corridor, le voyage à Soubré coûte 2000 F. Alors que certains transporteurs auraient accepté de prendre des passagers à 1500 F ou même 1000 F, en cours de route.
Selon le témoignage de notre nouvelle compagne de voyage, les véhicules de particuliers et d’entreprises qui se hasardent à prendre généreusement des voyageurs, sont également dans le viseur des syndicats qui ont des « patrouilles mobiles » de guetteurs.
Repérés par un de ces pisteurs, nous avons compris à la hauteur du corridor que nous étions nous aussi attendus par un comité d’accueil. « Ce sont eux », avait lancé un homme, la barbe grisonnante qui se hâtait vers notre véhicule. Il été vite refroidi par un agent des forces de l’ordre qui a su que nous étions des journalistes. Son intervention a ainsi facilité notre passage non sans discussions.
Les forces de l’ordre, aux dires de l’agent, sans véritablement cautionner la situation s’y résignent au prétexte que c’est un « accord » entre les transporteurs et leurs syndicats.
A quelques kilomètres de Yabayo, nous avons laissé descendre notre voyageuse fortunée qui visiblement n’était plus impressionnée par les péripéties du parcours et le comportement désagréable des acteurs.