Il avait fondé Atlantique Télécom, avant de s'en désengager. Aujourd'hui, Bernard Koné Dossongui, le patron d'Atlantic Financial Group, fait son come-back en rachetant 15 % de l'opérateur téléphonique. Portrait d'un entrepreneur en série.
Le 11 juillet, Bernard Koné Dossongui, 63 ans, a conclu, à la surprise générale, l'acquisition de 15 % du capital d'Atlantique Télécom, propriété d'Etisalat. C'est ce qui s'appelle un retour en force ! Car en 2005, l'homme d'affaires ivoirien avait décidé de se désengager de cet opérateur télécom qu'il avait lui-même fondé, afin de se consacrer à la finance et au transport aérien (il n'avait conservé que 0,5 % des parts). "C'est Etisalat qui a fait appel à lui", assure Léon Konan Koffi Junior, l'un de ses conseillers. Tenu de se conformer à la loi ivoirienne qui impose aux acteurs de la téléphonie mobile de s'associer à un partenaire local, l'opérateur émirati a choisi son ancien coactionnaire. Le montant de l'opération n'a pas été officialisé, mais on parle de 50 milliards de F CFA (plus de 75 millions d'euros).
Du poil de la bête
En perte de vitesse depuis l'arrivée au pouvoir d'Alassane Dramane Ouattara - il a essuyé une perte de 20 milliards de F CFA après la liquidation d'Air Ivoire par les nouvelles autorités -, cet ancien partisan de Laurent Gbagbo (après avoir été ministre de l'Enseignement technique et de la Formation professionnelle sous Henri Konan Bédié) semble reprendre du poil de la bête. Le 5 juillet, en visite à Kouto, localité du nord du pays dont Dossongui est originaire, le chef de l'État a rendu un vibrant hommage à celui qui est considéré comme l'une des plus grandes fortunes de Côte d'Ivoire. Quelques jours plus tard, en voyage d'affaires en Chine, le président du conseil d'administration d'Atlantic Financial Group, véritable touche-à-tout (il a démarré dans l'agro-industrie), a indiqué à Jeune Afrique qu'il travaillait sur plusieurs projets, dont la création d'un fonds d'investissement pour financer des start-up au sud du Sahara. Mais ses proches affirment par ailleurs qu'il envisage sérieusement de revenir dans les télécoms en acquérant de petits opérateurs dans des pays où Etisalat n'est pas encore implanté.
Il faut dire que son véritable succès, Bernard Koné Dossongui l'a connu avec... Atlantique Télécom, précisément. Une société qu'il a créée en 2002 et cédée à Etisalat en réalisant une belle plus-value (le montant de la cession n'a jamais été dévoilé). "Cette réussite s'est faite au détriment de certains hommes d'affaires qui lui ont fait confiance", rappelle l'un de ses anciens partenaires. Par exemple, le Burkinabè Apollinaire Compaoré, patron du groupe Planor Afrique, avec qui il détenait Telecel Faso. Avant de vendre Atlantique Télécom à Etisalat, l'Ivoirien a dilué les parts de son partenaire pour prendre le contrôle de l'opérateur burkinabè et tirer le plus grand profit de l'opération. Depuis, les deux hommes sont devenus des ennemis jurés et sont entrés dans un conflit sans merci - Compaoré a finalement obtenu réparation. Le Béninois Séverin Adjovi a subi le même sort avec Telecel Bénin. En revenant au capital d'Atlantique Télécom, l'homme d'affaires ivoirien, dont les anciens collaborateurs disent qu'il ne délègue aucune décision, reprend une nouvelle aventure dans un secteur où il a fait ses premiers pas grâce à son mentor Naguib Sawiris, le fondateur d'Orascom Telecom. C'est en effet le magnat égyptien qui lui a permis de se positionner dans la téléphonie mobile, en lui vendant ses sociétés - les susmentionnées Telecel - dans six pays africains (hors Côte d'Ivoire). Dossongui a aussi été propriétaire de Prestige Télécom, une entreprise spécialisée dans le transfert de données par voie satellitaire. Mais ce come-back sera-t-il aussi gagnant que par le passé ? "Bernard Koné Dossongui est un homme d'affaires redoutable. Il finit toujours par atteindre son objectif, quitte à faire du forcing", explique l'un de ses proches, sous le couvert de l'anonymat. Dernier exemple de sa pugnacité : en juin 2012, alors que le microcosme financier africain n'y croyait plus, il est parvenu à trouver une entente avec le groupe marocain Banque populaire pour la cession de 50 % du capital de Banque Atlantique, réseau bancaire d'Atlantic Financial Group. En fait, les deux parties se sont mises d'accord pour créer un holding commun détenu à parts égales et dénommé Atlantic Business International. Le groupe marocain a injecté 56 milliards de F CFA et a pris en charge la stratégie du groupe. Dossongui a quant à lui conservé la mainmise sur la direction générale de la nouvelle entité, à travers la nomination de Souleymane Diarrassouba, l'un de ses proches.
Intransigeant
Cette opération a été l'épilogue d'une longue série de négociations qui a commencé six ans plus tôt. Plusieurs prétendants se sont succédé sans jamais parvenir à conclure un accord avec l'Ivoirien. Parmi eux : le fonds américain Intangis, le groupe bancaire français BPCE, le nigérian Access Bank... "Bernard Koné Dossongui était conscient du potentiel de croissance de Banque Atlantique. De fait, il avait tendance à être intransigeant dans les négociations, même si la situation financière du groupe n'était guère brillante", témoigne un analyste financier. Le réseau bancaire, en plus d'être implanté dans huit pays d'Afrique (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d'Ivoire, Mali, Niger, Sénégal et Togo), possède un solide ancrage sur le marché ivoirien, le plus important de la sous-région. Mais l'homme d'affaires avait plombé les comptes du groupe à cause de financements hasardeux. Il avait par exemple misé une dizaine de milliards de F CFA dans la défunte compagnie Air Ivoire, tombée par la suite en faillite. Désormais, Dossongui affirme s'atteler au développement de sa filiale camerounaise, l'ex-Amity Bank, qu'il a rachetée à la fin des années 2000 et rebaptisée Banque Atlantique Cameroun. Et c'est son homme de main, Léon Konan Koffi Junior, président d'Atlantic Financial Group en Afrique centrale, qui y travaille. En plus du Cameroun, il vise les marchés du Gabon, de la Guinée équatoriale et de la RD Congo, où de nouvelles implantations sont prévues avant 2015. En attendant, l'arrivée du groupe marocain a déjà permis à Banque Atlantique de se redresser progressivement. Fin 2012, son total de bilan a dépassé 1,9 milliard d'euros, et le groupe compte flirter avec les 2,5 milliards d'euros d'ici à 2015.
(Source Jeune Afrique)