Les routes d’Abidjan de nouveau dégradées : Les marchés attribués par complaisance
Notre Voie
Posté le: 21 mars 2013
Dès son installation au pouvoir, le 11 avril 2011, Alassane Ouattara a initié un programme sectoriel de relance de l’activité sociale et économique. Avec les fonds de la Banque mondiale constitués sous Laurent Gbagbo, il s’est attribué un fonds dénommé Programme présidentiel d’urgence (PPU). Grâce à ce programme, la voirie d’Abidjan a été entièrement rénovée. 20 milliards FCFA ont été décaissés à cet effet. Plus de 1000 km de route ont été réhabilités à Abidjan comme à l’intérieur, près de 200 km de routes neuves réhabilitées. Avec promesse de construire chaque année plus de 5000 km de routes non revêtues. Le programme a été lancé en septembre 2011 et l’ensemble des travaux ont été livrés entre 4 à 12 semaines. « 80% des nids poule seront bouchés à partir du mois de décembre et en juin 2012, il n’en aura quasiment plus dans la ville d’Abidjan », pavoisait le ministre des Infrastructures économiques. « Avec Ouattara, on ne roule plus sur les routes, on glisse », se plaisaient à dire les automobilistes que le mauvais état des routes indisposait.
Un an et demi après, retour fracassant à la case départ. A Yopougon, par exemple, on se demande si on a mis un jour du bitume sur la voie jouxtant l’espace Cp1. Il en est de même de celle de la Poste des Toits Rouges, devant le cinéma Boissy, à quelques encablures du camp de gendarmerie, sur la voie principale de Wassakara, sur celle menant à Mossiokro. Le scandale vient de Gabriel gare sur laquelle on circule très difficilement et de la voie passant par le Chu qui ralentit la vitesse des véhicules d’urgence.. A Niangon c’est un grand pan de l’axe Shell-carrefour Texaco qui est dégradé, tout comme les tronçons Lubafrique-Cité Verte, carrefour Anador-Lubafrique.
A Adjamé, le carrefour de la formation sanitaire Marie Thérèse Houphouët est aussi atteint, tout comme aux 220 logements, en face de l’ex-cinéma Liberté, où la route a perdu son état initial.
A Koumassi , les nids de poule ont repris confortement leur place. Situation identique de la zone industrielle aux alentours du marché.
Bref, il redevient de plus en plus difficile de circuler à Abidjan. Les routes sont à nouveau dégradées. Pas une commune d’Abidjan n’y échappe. De Port-Bouët à Abobo en passant par Treichville, Plateau et Yopougon, de véritables crevasses vont même jusqu’à couper les voies.
Comment des travaux de si grande importance, menés dans une vaste campagne de communication (grandes pancartes aux carrefours du district avec l’inscription : l’Etat travaille pour vous !) ont-ils pu être détruits en moins de deux ans ? Voici la réponse d’un directeur de Pme à qui l’Etat a confié un chantier à Yopougon: «C’est la faute aux poids lourds, très nombreux, qui empruntent les routes. Les routes dans les quartiers, ce ne sont pas les chemins des poids lourds». Sauf que les populations de Yopougon ne voient pas passer de nombreux poids lourds dans leur commune. A l’exception des camions citernes qui distribuent du carburant et quelques camions chargés de sacs de charbon. Encore que leur fréquence de circulation est négligeable. Et nous qui pensions que les travaux routiers se faisaient après études, et que les renforcements des routes devaient tenir compte du flux, de la circulation et de sa densité, avec une marge de tolérance de 10 à 20% en plus, même en situation de réhabilitation!
De la complaisance
C’est le président du Syndicat national des entrepreneurs en bâtiments et travaux publics, Soro Doté, qui apporte la réponse idoine à cette préoccupation, dans une interview qu’il a accordée à un confrère, en novembre 2011 : « Il y a des déviations en ce qui concerne l’esprit du Programme d’urgence qu’initie le chef de l’Etat. L’esprit dudit programme : faire travailler les entreprises Pme-Pmi nationales. Ces Pme-Pmi qui ont subi les affres de la guerre sont écartées des chantiers de ce programme. Aujourd’hui, elles ne travaillent pas à cause des appels d’offres truqués, confiés à de nouvelles entreprises. Avant de soumissionner, le marché est déjà attribué. Ce sont des passe-droits. Exemple l’appel d‘offres concernant les voiries dans la commune d’Adjamé dont l’ouverture était le 22 novembre 2011, vous aller trouver avant cette date que des entreprises travaillent déjà sur les rues de cette commune depuis des semaines. Pour nous, un appel d’offres des voieries d’Adjamé concerne toutes les voiries. Pourquoi certaines voiries ont été déjà attribuées sans l’ouverture de l’appel d’offres des voiries d’Adjamé ? ». Ce qui s’est passé à Adjamé est l’exemple patent de ce qui s’est véritablement passé dans toutes les communes.
Il s’agit donc de marchés attribués avec complaisance à des amis et connaissances pour profiter des fonds du PPU. Et face à la grogne des populations, des langues commencent à se délier. « On a aidé le gars à prendre le pouvoir. Il a donné de gros marchés aux grands. Nous les petits, c’est notre récompense. Si on ne peut pas me récompenser directement et qu’on me donne des marchés, je me débrouille pour les exécuter, juste pour justifier ma récompense. Si ce n’est pas bien fait, ce n’est pas mon problème. C’est mon argent je cherche ».
C’est ce même esprit qui a sans doute présidé à l’attribution, récemment, des marchés à de nouvelles entreprises sans appel d’offres. On imagine déjà ce que le travail sera.
La bonne gouvernance sous Ouattara, ce n’est pas pour demain.
Par J-S Lia