Lutte contre le racket en Côte d’Ivoire : Les exigences de la Banque mondiale
Le Patriote
Posté le: 15 décembre 2011
Le racket et les tracasseries routières continuent de ternir l’image de la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire, au niveau de la sous-région est le plus mauvais élève en matière de fluidité routière. Ce fléau néfaste pour l’économie nationale contribue également à ternir l’image de la Côte d’Ivoire. Le prolongement de la crise politique a été un facteur aggravant de la situation. Le coût de ce «racket » est estimé à 10% de l’ensemble des frais de transport selon un rapport ou à un total de 150 à 300 milliards de F CFA selon la Chambre de commerce. Très sensible à cette problématique et au regard de l’ampleur du phénomène qui fragilise l’investissement, réduit parfois la compétitivité du port d’Abidjan qui commerce avec les pays de l’hinterland, crée la méfiance, la Banque mondiale, dans son rapport n° 62572-CI intitulé ‘‘Un agenda pour la croissance basée sur les exportations et les ressources naturelles’’ du 20 septembre 2011, a décidé d’interpeller les autorités ivoiriennes. En effet, l’institution n’y est pas allée du dos de la cuillère pour fustiger le racket alors que des garanties avaient été données. La Banque mondiale recommande à cet effet, de supprimer tous les barrages routiers en faveur d’un système de suivi par le système mondial de positionnement, de remplacer le processus de Trie (Trafic routier inter-Etats) par un formulaire unique de déclaration en douane, et d’éliminer les frais imposés par l’Oic et n’organiser des services d’escorte qu’à la demande des expéditeurs. L’institution internationale exige aussi l’interconnexion des systèmes informatiques des services douaniers de l’Uemoa, ensuite ceux de la Cedeao, la création rapide de postes frontaliers conjoints. Pour un commerce de transit facilité, la Banque mondiale propose l’importation de biens provenant de l’extérieur de la Cedeao par les frontières terrestres, la restitution à la douane des tâches confiées à l’Oic et la suppression des systèmes de tour de rôle et d’allocation des chargements. Un rapport sur la facilitation du commerce inter-Etats qui dénonce en filigrane le racket des Forces républicaines de Côte d’Ivoire et qui n’a pas échappé à la sagacité de la Banque mondiale.
Le racket, une pratique à la peau dure
Le phénomène du racket a été maintes fois dénoncé en Côte d'Ivoire, mais pour nombre d'observateurs. Il s'agit d'une pratique à la peau dure qui résiste, en dépit des énergies humaines et matérielles mobilisées pour mener la lutte. Les opérateurs économiques faisant partie des principales victimes du racket, ont toujours tiré la sonnette d'alarme. " Cette pratique entrave le fonctionnement économique du pays", dénonçait il y a quelques temps, le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d'ivoire, Jean-Louis Billon. "La Côte d'Ivoire a la tonne transportée la plus chère au monde", avait-il ajouté. La hiérarchie des ex-Forces de défense et de sécurité (Fds) ivoiriennes, appelées à "prendre leurs responsabilités", avait même initié une opération en 2008 pour sensibiliser et par la suite réprimer les agents racketteurs. Mais deux années après la mise en place d'un comité technique de contrôle de la fluidité routière, la lutte a baissé en intensité. Les actions du Premier ministre Guillaume Soro, également ministre de la Défense, Paul Koffi Koffi, ministre délégué à la Défense, Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur, Gaoussou Touré, ministre des Transports, n’ont pas encore apporté l’effet escompté. D’où le classement actuel dans la sous-région et l’interpellation de la Banque mondiale. Les agents racketteurs s’étaient ‘‘terrés’’ lors des descentes inopinées des membres du Gouvernement mais ont recommencé par sévir par endroit. Il est vrai la peur au ventre. L’on se rappelle qu’avant l’avènement du nouveau régime, la fluidité routière était aussi au centre des préoccupations des autorités ivoiriennes et des partenaires au développement. La Banque mondiale est venue à la rescousse, du pays, à travers des dons en nature et en espèces. L'institution financière a ainsi offert des véhicules aux ex-FDS pour la lutte contre le racket, et a même mis à la disposition du comité technique de contrôle de la fluidité routière de l’argent. De son côté, le procureur militaire Ange Kessy n'hésitait pas à faire appliquer la loi sur les agents pris en flagrant délit de racket. Mais cela semble loin d'être dissuasif. "Les autorités militaires gagneraient à médiatiser les condamnations des agents arrêtés pour racket. Cela dissuaderait les autres car l'on constate aujourd'hui que malgré ces mesures, le racket se poursuit sur nos routes", estimait, il y a peu, Doumbia Yaya, secrétaire général d'un syndicat de transporteurs. Un officier de l'Armée, lui, estime toutefois que l'espoir est permis. "L'éradication d'un fléau ancré dans les habitudes ne se fait pas d'un trait.", énonce-t-il, sous le couvert de l'anonymat, concluant que "le combat contre le racket est difficile mais pas impossible". Le racket routier constitue un problème de société qui présente des incidences négatives sur l'économie ivoirienne. Selon le ministre de l'Economie et des finances Charles Koffi Diby, le racket représente 35 à 50% des pertes en investissement. La Banque mondiale attend donc beaucoup des autorités ivoiriennes et demande avec insistance de prendre à bras le corps ce fléau qui peut freiner les investisseurs.
Encadré : toujours dans l’attente d’un numéro vert
Le racket continue de gangrener l’économie ivoirienne et de faire subir aux populations des humiliations. La volonté politique existe pour l’amoindrir. Le Gouvernement est en ordre de bataille mais la population continue de souffrir. Les racketteurs jouent au chat et à la souris avec les autorités ivoiriennes au point de soulever le courroux des institutions internationales. Il est vrai, les choses se mettent tout doucement en place. Mais en attendant que des moyens plus conséquents arrivent pour une surveillance perpétuelle, en tout temps, en tout lieu et à toute fin, la population attend un numéro vert. Celui-ci permettra d’informer sur les pratiques de certains agents indélicats. Les populations du Sud, centre, nord et ouest, les opérateurs économiques et autres appellent de tous leurs vœux la mise en place d’un numéro vert qui pourrait freiner le racket. « La Côte d’Ivoire qui veut devenir un pays émergent d’ici 2020 doit y songer. Cela soulagera la population et les caisses de l’Etat. Le numéro vert est un procédé discret mais efficace qui fait la fierté des Etats modernes », a indiqué une source diplomatique.
Par Jean Eric ADINGRA