Transport urbain à Bouaké : Les bus de Stub s’arrêtent, les usagers en difficulté
Nord-Sud
Posté le: 28 décembre 2011
Deux ans après la mise en circulation de ses autobus, la Société de transport urbain de Bouaké (Stub) est submergée par les difficultés financières qui entravent ses activités.
Les autobus de la Société de transport urbain de Bouaké (Stub) sont à l’arrêt depuis pratiquement huit mois. Mis en circulation en octobre 2009, ces véhicules avaient pourtant suscité de l’espoir chez les populations de Bouaké confrontées à de graves problèmes de transport. La plupart d’entre elles qui avaient l’habitude de se déplacer en gbaka (minicar), en taxi et surtout à mototaxis avec le risque qu’il y a, avaient désormais des bus à leur disposition. Un soulagement qui n’a duré que deux ans à peine. En effet, depuis quelque temps, ces mastodontes aux couleurs rouge et blanc ont pratiquement disparu des voies de la capitale du centre au grand dam des usagers.
Fonctionnaires et élèves mécontents
Amara Coulibaly, élève en classe de terminale au lycée Djibo Sounkalo, fait partie de ceux qui expriment leurs regrets. «C’est avec un énorme regret qu’on ne voit plus les bus circuler. Ces véhicules nous arrangeaient beaucoup parce que le transport me revenait à 200 Fcfa seulement pour aller et revenir de l’école», fait remarquer l’élève. Mais aujourd’hui, les données ont changé et il est obligé d’effectuer deux fois ce même trajet à 400 Fcfa en taxi et à 300 Fcfa à mototaxi. Ce qui lui revient respectivement à 800 Fcfa et à 600 Fcfa en aller-retour. A l’instar de cet élève, des fonctionnaires déplorent l’immobilisation des «gros cars » de Stub. Kouadio Konan Sévérin, enseignant du primaire à Air-France 1 et habitant le quartier Gonfreville, reconnaît que ce mode de transport répondait mieux à leur attente dans la mesure où il leur permettait de faire des économies sur leurs salaires. «En prenant le taxi, je perds de l’argent parce que cela me revient encore plus cher. Nous souhaitons vivement que les autobus reprennent leurs activités», soutient-il. Selon lui, s’il prend en compte les frais de transport de ses trois enfants qui sont dans deux établissements différents, la situation devient plus complexe. Mais comment les choses ont pu se dégrader aussi rapidement chez le transporteur urbain de Bouaké ? En réaction, le gérant de la société, Sékou Touré, affirme que cette situation reste liée aux problèmes de trésorerie. Le décor est justement pitoyable, ce lundi 19 décembre, lorsque l’équipe de reportage accède à l’un des dépôts de la structure, situé au quartier Sokoura. Une douzaine d’autobus sont totalement immobilisés sur le site. L’un de ces véhicules, ne servant plus pratiquement à rien, a été aménagé pour accueillir les bureaux du gérant. Selon lui, la société a du mal à faire face à ses charges à cause du manque de rendement. «La Stub n’arrivait plus à rentrer dans ses fonds pour payer le carburant. Si au début, il y avait de l’engouement et une sorte d’euphorie, au fil du temps, les clients ont préféré recourir à leurs anciennes habitudes (moto taxis) pour éviter les longues heures d’attente aux différents arrêts de bus», explique-t-il. Pour lui, cette situation est due au fait que le parc-auto de la Stub a fortement diminué et est passé de 15 à 10 bus. En effet, ces difficultés remontent à février 2010 où le chef d’Etat d’alors a procédé à la dissolution du gouvernement et au débarquement du président de la Commission électorale indépendante (Cei). C’est alors qu’un mouvement de colère avait amené des «manifestants incontrôlés à piller et à saccager les bus y compris le dépôt. La Stub a également perdu un de ses bus lors de la marche des populations de la capitale de la paix», témoigne Sékou Touré. En outre, pendant la crise postélectorale, poursuit-il, alors que les populations manifestaient contre la confiscation du pouvoir par Laurent Gbagbo à Tiébissou, des miliciens et mercenaires, à la solde du candidat malheureux, ont incendié un autre autobus.
La reprise est-elle possible ?
A l’en croire, il faut ajouter à cela une mauvaise politique managériale. Par ailleurs, le président-directeur général de l’entreprise, le maire Ibrahima Fanny voulant faire du social à la Stub avait fixé le prix du ticket à 100 Fcfa quelle que soit la distance à parcourir. Mais avec le temps, cela n’a pas permis à la société de faire face à ses nombreuses charges. Sans omettre un personnel pléthorique. Il est à noter que certains chauffeurs de l’entreprise manifestaient leur mécontentement quant au traitement dont ils faisaient l’objet dans la société. «On n’était ni embauchés ni déclarés à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps). Il n’y avait pas de contrat qui nous liait à la société. Des conditions bien réunies afin qu’on soit sous-payés», s’offusque Yéo Sinan, reconverti en chauffeur de gbaka. Toutefois, le comptable de la Stub, Kouassi Kouakou, rassure que les chauffeurs retenus sont aujourd’hui régulièrement payés. Malgré tous ces problèmes qui ont fragilisé la Stub, Sékou Touré rassure qu’elle n’est pas encore morte et qu’elle va ressurgir. Le gérant de la société place son espoir au retour de l’administration publique et privée et en la réouverture au mois d’octobre prochain de l’université de Bouaké. «La police et la gendarmerie vont également intensifier le contrôle des pièces afférentes aux mototaxis qui exercent dans l’illégalité, les choses vont rentrer dans l’ordre», se convainc-t-il. Et de renchérir qu’une nouvelle politique s’impose et doit permettre d’une part d’harmoniser le coût du ticket en fonction de la distance et d’autre part de rénover le parc-auto. Mais en attendant la reprise totale de ses activités dans la ville de Bouaké, la Stub a passé des contrats avec la société Olam pour le ramassage de son personnel. Pour le moment, elle assure l’axe Bouaké-Djébonoua, distant de 18 kilomètres.
Denis Koné à Bouaké