Ils ne s’y attendaient pas. Les vendeurs de journaux n’échappent pas à la traque des mendiants et vendeurs ambulants sur les grandes artères d’Abidjan. Et la colère monte…
Au carrefour de la Riviera II, à Cocody, sur le boulevard Mitterrand, Koffi Raymond, l’un des distributeurs d’articles de presse n’a plus la même visibilité sur le trafic des automobiles. Car le flux de véhicules ressemble désormais à de l’argent qui fuit, ces vendeurs étant empêchés d’exercer librement sur ce point.
Des vendeurs arrêtés et déférés
Il raconte à Acturoutes que 12 vendeurs de journaux ont été libérés après plusieurs heures passées à la préfecture de police au Plateau, le lundi 12 août, soit une semaine après l’opération lancée par le ministère de l’intérieur en vue de réduire les sources d’insécurité et d’insalubrité que les mendiants, les vendeurs ambulants et autres occupants anarchiques des voies. 6 d’entre ces détenus avaient déjà passé une semaine dans les cellules.
De sources proches du Tribunal d’Abidjan, 46 personnes ont été arrêtées et seront déférées devant le tribunal de première instance le 26 août pour "fraude fiscale", principale charge retenue contre les vendeurs de rue.
La pression est plus forte à Adjamé, à Cocody et au Plateau où les vendeurs de journaux traités au même titre que les autres vendeurs ambulants indésirables sont refoulés jusque dans les ruelles de quartier. Ce mardi encore, ils n’étaient plus visibles ni au carrefour Indénié, à Adjamé, ni sur le boulevard De Gaulle, au Plateau. A Yopougon, ils peuvent bénéficier de passages furtifs au carrefour Siporex, mais pas pour longtemps.
Enorme manque à gagner
« Nos vendeurs sont maintenant dans les quartiers. Ils ont été chassés aux premiers jours de l’opération d’assainissement des voies. Ceux qui ont la chance sont souvent appelés par leurs bons clients pour une livraison sur place», témoigne Mlle G. Gertrude qui dispose d’un kiosque à journaux non loin de la gare UTB.
Pour elle, la décision des autorités est comme une balle tirée dans le pied des revendeurs d’articles de presse car les meilleures recettes se font tôt auprès des usagers à bord des véhicules. « Si on n’est pas sur la route pour les servir, ils s’en vont », déplore-t-elle.
A la troisième semaine de la mesure, le bilan fait grincer les dents. « Imaginez, confie Koffi Raymond, des distributeurs qui ont l’habitude de verser quotidiennement à Edipress plus de 300 000 FCFA et sont réduits à réunir à peine 75 000 FCFA ».
Des emplois menacés
Le mouvement qu’ils entendent enclencher pour défendre leur droit est, selon lui, subordonné aux négociations que doivent entamer le Groupement des éditeurs de presse (GEPCI) et le Cabinet du ministère de l’intérieur.
« Ce jour (Ndlr, hier mardi 20 août) le GEPCI a adressé une plainte audit ministre dans laquelle il l'informe des menaces graves qui pèsent sur l'activité de la presse en Côte d'Ivoire », mentionne un communiqué repris par un confrère. La question de l’emploi a-t-elle été sacrifiée sur l’autel des impératifs sécuritaires.
Selon Pierre Adjoumani de la Ligue ivoirienne des droits de l'homme (LIDHO) interrogé par France24, les autorités ont choisi la répression immédiatement plutôt que des mesures d’accompagnement et de reprise de l’emploi. « C’est une mesure qui était nécessaire mais qui a été précipitée… Cette opération va soulever plus de problème qu’elle ne va en résoudre », explique-t-il.
Un membre du cabinet du ministre Hamed Bakayoko joint au téléphone, ce mercredi a cependant précisé que les vendeurs de journaux ne sont pas concernés par l’opération. « En aucun cas nous avons visés les vendeurs de journaux et ceux qui ont été arrêtés aux premières heures ont été tous relâchés », a-t-il insisté jetant une note de confusion dans le processus en cours.
« Nos attentes à propos de ces derniers, portent sur des mesures d’identification obligatoire. Il a été demandé aux vendeurs de journaux de porter des chasubles qui les rendent reconnaissables. On ne peut pas au prétexte de vendre des journaux proposer d’autres articles sur les voies publiques ou même agresser des usagers de la route », a poursuivi notre interlocuteur.
Célestin KOUADIO