Vignette auto : la SICTA veut relever de grands défis
Acturoutes
Posté le: 12 décembre 2012
« Dites-vous que vous n’aurez pas de jour de fête pour cette fin d’année. D’ailleurs aucun départ en congé ne sera accepté dans les jours qui viennent ». A quelques semaines de l’application de la dématérialisation de la vignette auto et moto, le Directeur général de la Société ivoirienne de contrôles techniques automobiles et industriels (SICTA), M. Ya Emile, bat le rappel des troupes. Il n’y a pas que les jours qui sont comptés.
Samedi 9 novembre, à Yamoussoukro, une vingtaine d’adjoints aux Chefs de stations de la SICTA ont suivi, comme des écoliers, la présentation magistrale d’une imprimante conçue pour confectionner le nouveau certificat de visite technique qui va remplacer l’ancien, dans le cadre du projet conclu avec la Direction générale des impôts (DGI).
Aux auditeurs du jour, le Directeur du service informatique de la SICTA et Chef du projet dématérialisation de la vignette, M. Robert N’Goran, a indiqué qu’ils sont la « clé » du succès sur le terrain de ce projet « d’importance nationale ». Car, ils doivent répercuter efficacement les rudiments auprès de leurs autres collaborateurs. A l’intérieur du pays, les Adjoints des Chefs de stations sont les acteurs directement opérationnels. C’est, comme a tenu à le préciser le Directeur général, l’adjoint du chef qui « est au chaudron, c’est lui qui se trouve dans la main courante et qui intervient en directement dans l’opération », a-t-il justifié. L’enjeu étant que les employés « s’impliquent totalement » dans le projet.
Dès le 02 janvier 2013, chaque visite technique à la SICTA sera obligatoirement précédée du paiement de la vignette, selon les clauses du projet de dématérialisation.
A partir du 17 décembre, les imprimantes commenceront à être déployées sur les 22 stations de la SICTA, y compris les équipes mobiles. Ce sera le départ de la phase expérimentale pour les responsables des différentes stations. « Cela dit, je pense que nous sommes dans les délais de notre planning. Et nous serons prêts au jour J », a promis M. Robert N’Goran, très optimiste à l’entame du dernier virage avant le lancement de cette innovation qu’il a suivie en laboratoire depuis plus de 2 ans.
La révolution numérique
La SICTA, filiale du groupe SGS, à travers le contrat de concession de la vignette automobile dématérialisée aborde une autre phase de haute définition numérique alors que le milieu des transporteurs, détenteurs d’une bonne part du parc auto national, souffre d’un pourcentage élevé d’analphabètes. Le support papier utilisé initialement comme quittance de la vignette a montré, de toute évidence, ses limites face à la contrefaçon et à la falsification.
C’est pourquoi M. Robert N’Goran a précisé que le nouveau certificat est « une procédure permettant de mieux gérer les actions de contrôle ».
« Securion » (c’est le nom du modèle), conçue par Evolis, est une imprimante à ruban à impression, en lieu et place des cartouches d’encre habituelles. Elle comporte comme spécificité une station de « lamination » qui impose une protection et sécurisation de l’information portée sur la carte, en plus d’un système de verrouillage de la machine qui met les consommables vierges hors de portée d’un voleur, selon le formateur, Sébastien Hauraix, venu de Paris pour la cause.
« Ce type d’impression représente ce qu’il y a de plus fiable dans le monde », assure le technicien le groupe français spécialisé dans les cartes plastiques.
A fond dans la nouvelle procédure qui lui confie la confection et la distribution du certificat de visite technique, la SICTA vise la « sécurisation et la fiabilité ». Au final l’usager doit avoir dans les mains un support en PVC, format carte de crédit, avec des indicatifs de sécurité, justificatif de la visite technique et de la vignette auto.
La sécurisation des recettes de l’Etat
Au bas mot, la SICTA indique des chiffres de 360 000 contrôles par an. Un bilan qui ne vaut qu’environ 70% des véhicules en circulation sur l’ensemble du territoire ivoirien. C’est dans ce patrimoine que la DGI veut s’assurer une bonne source d’entrée. Les années précédentes ont été marquées, selon nos sources, par des déperditions au niveau des recettes des vignettes auto et moto. Bon nombre d’usagers jugeant plus « judicieux » de se plier à l’exercice de la visite technique qu’à celui des impôts.
Enfin, la mise à jour d’une base plus « sécurisée » sonne certainement comme un moyen d’avoir une meilleure lisibilité tant sur le parc des engins roulants que dans les recettes de l’Etat, de sorte à élaborer une planification conséquente.
Toute une artillerie déployée pour relever le défi
Deux séminaires de formation en l’espace de deux mois. De nouveaux équipements notamment l’imprimante estimée à 6 500 Euros l’unité, soit plus de 4 millions de francs Cfa. La SICTA compte déployer une trentaine de ces machines ultra modernes sur l’ensemble de ses stations permanentes et mobiles. Sur place, les bancs mobiles selon équipés de box spéciaux entièrement climatisés pour optimiser l’environnement des imprimantes.
« A partir du moment où la SICTA est désignée pour la confection et la vente de la vignette auto, c’est elle qui supporte tous ces coûts. Mais sans rentrer dans les détails je dirai que c’est un partenariat gagnant-gagnant », a rappelé, dans un entretien avec Acturoutes, M. Ya Emile qui juge cet équipement, rien qu’en considérant les imprimantes, « excessivement cher ».
Ces calculs ne tiennent pas compte du plan de communication déroulé ce dernier trimestre et qui surfe sur la vague favorable du programme d’informatisation et d’automatisation des stations, initié il y a un an, par la SICTA et appuyé par la SGS pour plus de 2 milliards de francs Cfa.
Pour parfaire les choses, il est prévu des séances de formation pour les agents de police de route dont la contribution, en tant que bras actif de la loi, pour la réussite de cet ambitieux projet est déterminante.
Le combat ne sera pas que contre le temps. Il faudra occuper l’espace, un paramètre où des détracteurs à ce projet confié à la SICTA ne manquent pas.
Les transporteurs : « on veut voir d’abord»
« Nous savons que certains ‘‘ tirent’’ sur nous de toute part » en critiquant le choix de la SICTA pour l’opération, avoue le DG. Les uns soupçonnent un passage de marché en douce entre la DGI et la SICTA. A ceux-là, M. Ya Emile répond qu’il s’agit d’une affaire de « gros sous » dans laquelle l’Etat ne peut s’allier qu’à une structure digne de « confiance ». Leader du contrôle technique en Afrique, la SICTA, soulignons-le, occupe depuis 2011 le 5è rang mondial des filiales de SGS opérant dans le contrôle technique automobile.
Les autres détracteurs sont plus amers quant à la bourse qu’il va falloir délier. A titre d’exemple, un chauffeur de minicar gbaka, à Yopougon, se demandait comment réunir d’un coup les 70 000 francs Cfa de la vignette auto et les 17 500 francs Cfa pour la visite technique, soit plus de 87 000 francs.
Mais l’argument financier utilisé comme un prétexte contraignant n’est pas aussi évident que cela. Le président du Collectif des propriétaires de taxis intercommunaux (COLURTIC), Sididbé Mamadou, joint au téléphone par Acturoutes a indiqué que jusqu’à présent aucun grief majeur ne peut être formulé contre le projet.
« Nous pensons que cela va éviter d’éparpiller les entrées financières de l’Etat et de les sécuriser. Pour nous c’est une bonne chose d’autant plus que le prix de la vignette est fixe et il est connu d’avance. De toute façon, nous sommes condamnés à payer ces taxes », argue-t-il.
« Certains jugent que le montant cumulé est lourd mais c’est qui se fait ailleurs », estime le DG de la SICTA.
« Il ne faut pas voir le mal partout. Tel que le projet se présente, ce n’est pas mal », a estimé pour sa part, le président du Groupement d’intérêt économique (GIE) des propriétaires de véhicules de transport, Touré Almamy. « On va voir comment cela va se dérouler » ajoute-il tout en déplorant le fait de n’avoir eu d’échange direct, ni avec la DGI, ni avec la SICTA, à ce sujet.
Un coup de pouce à la sécurité routière
A moins de garantir une qualité infaillible pour les véhicules en circulation, la SICTA peut se targuer à travers la nouvelle formule de la vignette auto de mettre une pression supplémentaire sur les automobilistes « fraudeurs ». Car en l’absence de l’un (le certificat de visite) ou de l’autre (la vignette auto), les automobilistes indélicats avaient la mauvaise habitude de « payer » l’infraction sur la route. Mais avec un couplage de la vignette et de la visite technique sur la même carte, l’infraction semble beaucoup trop lourde pour être « traitée » avec quelques billets.
C’est l’occasion de sauver des vies. Si tant est qu’on peut ainsi retrouver les 40% des usagers qui rusent avec la visite technique et qui écument les voies de circulation ivoiriennes avec des « cercueils roulants ».
Il est dit dans les rapports de l’Office de sécurité routière (OSER) que plus de 80% des accidents de la route sont liés au facteur humain. Mais cette statistique est-elle proportionnelle au degré de mortalité des accidents ? Pas si sûr.
Célestin KOUADIO
c.kouadio@acturoutes.info