Les autorités allemandes ne misent plus simplement sur le bon vouloir de Volkswagen pour remettre aux normes ses moteurs truqués et imposent au constructeur de rappeler ses voitures, ce qu'il va faire pour 8,5 millions de véhicules dans l'UE.
"Nous allons ordonner le rappel" de 2,4 millions de véhicules en circulation en Allemagne et équipés d'un moteur diesel truqué, a déclaré jeudi un porte-parole de l'Autorité fédérale des transports KBA.
L'approche est inédite: d'ordinaire l'organisme se contente de superviser les rappels, mais ne les impose pas.
Le ministre des Transports Alexander Dobrindt, supérieur hiérarchique de la KBA, a justifié ce passage à un régime coercitif par "la dimension" du rappel, qui "rend nécessaire un certain degré de contrôle".
Volkswagen a indiqué dans l'après-midi que 8,5 millions de véhicules seraient rappelés dans les 28 pays de l'Union européenne et ce, comme communiqué la semaine dernière, à partir de janvier prochain. L'opération doit s'étaler sur toute l'année 2016.
Dans un courrier adressé jeudi à M. Dobrindt, le patron de Volkswagen, Matthias Müller, a estimé que l'injonction de la KBA "ouvrait une possibilité d'arriver à un processus coordonné et commun pour tous les membres de l'Union européenne", qui serait "dans l'intérêt des clients et conforme à l'esprit européen".
- Révision des chiffres -
L'Autriche, où plus de 300.000 véhicules sont concernés, a d'ailleurs déjà annoncé qu'elle emboîtait le pas à l'Allemagne. Au Portugal, ce sont 117.000 véhicules qui sont équipés de moteur truqués, a indiqué le gouvernement.
Jusqu'ici Volkswagen avait évoqué le chiffre de 8 millions de véhicules concernés en Europe, sur 11 millions dans le monde équipés d'un logiciel permettant au moteur de fausser les résultats de tests antipollution.
Mais les chiffres dévoilés au compte-gouttes par Volkswagen depuis l'éclatement du scandale le mois dernier sont sujets à révisions, dans un sens ou dans l'autre. En Allemagne, le constructeur et les autorités avaient parlé de 2,8 millions d'unités, un chiffre finalement ramené à 2,4 millions.
Volkswagen assure que les véhicules équipés du moteur frauduleux EA189 sont absolument sûrs et peuvent continuer à être utilisés jusqu'à leur remise aux normes, et réitère sa promesse que celle-ci ne coûtera rien aux propriétaires.
La KBA attend "d'ici fin octobre" la présentation par Volkswagen de sa solution technique pour les moteurs diesel 2 litres - pour lesquels une simple manipulation informatique devrait suffire - et d'ici fin novembre les détails du plan pour les moteurs 1,2 et 1,6 litre, qui auront sans doute besoin de nouveaux composants, a détaillé M. Dobrindt.
La solution technique pour les moteurs 1,2 et 1,6 litres ne sera pas disponible et prête à l'installation avant septembre 2016, a expliqué M. Dobrindt, ce qui explique le délai, critiqué comme très long par Greenpeace, prévu pour la remise aux normes.
- 'Pas à pas' -
Des voitures de marque VW, Audi, Seat et Skoda sont concernées par la tricherie, ainsi que des véhicules utilitaires. Volkswagen, colosse aux 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires, chapeaute 12 marques de voitures, camions et motos.
Outre l'Allemagne, le Royaume-Uni est très touché par les moteurs truqués, avec plus d'un million de véhicules, tout comme la France, avec près d'un million.
Outre l'organisation des rappels, Volkswagen s'expose à des amendes et des poursuites judiciaires sur une kyrielle de marchés, dont les Etats-Unis où l'affaire a éclaté.
Le siège de la filiale italienne de Volkswagen à Vérone (nord) et celui de la filiale Lamborghini à Bologne ont fait l'objet de perquisitions jeudi, dans le cadre d'une enquête pour "fraude commerciale". Pour Volkswagen, la facture finale se chiffrera vraisemblablement en dizaines de milliards d'euros.
M. Müller a redit jeudi au ministre des Transports sa détermination à découvrir "comment cela a pu arriver et qui en porte la responsabilité".
Volkswagen a parlé pour le moment d'un "petit groupe de personnes" et mis à pied quatre salariés, sans en révéler l'identité.
Lors d'un discours devant des cadres réunis à Leipzig (est), M. Müller a réclamé une nouvelle culture d'entreprise. Mais "je ne suis pas partisan des révolutions", a-t-il dit, plaidant pour une rénovation "pas à pas".